Auteur: Tony Sandoval
Maison d'édition française: Paquet
Date de publication: 2011
Nombre de pages: 130
D est un jeune guitariste métalleux
qui fait l'objet de critiques et de moqueries de la part de son
entourage. Il est un jour confronté à la mort de sa petite amie. A
partir de là, il consacre tout son art à honorer sa mémoire, se
mettant en quête du son parfait...
Tony Sandoval est un dessinateur et
scénariste de bande-dessinée mexicain né en en 1973. Originaire du
Nord Ouest du pays, il devient très jeune fan de comics américains.
Il est aussi grand fan de métal et a fait partie de plusieurs
formations de doom dans sa prime jeunesse. Mais il s'est avéré
meilleur conteur que musicien. Sa carrière de dessinateur l'amène à
travailler pour plusieurs agences de graphisme locales avant de
commencer les choses sérieuses au milieu des années 2000. il est en
effet repéré par le directeur des éditions Paquet, qui non content
de lui offrir ses premiers pas dans la BD en 2005 (avec Vieille
Amérique) lui confiera la gestion d'une nouvelle collection,
Calamar, dans laquelle on retrouvera toutes ses œuvres. Il est
surtout connu pour ses one-shot à l'ambiance singulière et
indéfinissable: Le Cadavre et le Sofa, Nocturno (bien
qu'il s'agisse d'un diptyque) et plus récemment Serpents d'Eau.
Mais Doomboy occupe clairement une place unique dans sa
bibliographie.
Sorti en 2011, il va représenter un
véritable tournant dans sa jeune carrière. Il faut dire que l'on
tient là l'opus de la maturité pour Sandoval. D, sous ses faux airs
de Kurt Cobain, est un gros fan de métal en pleine tourmente. A
l'âge où l'on devient adulte, il doit faire face à la mort sa copine, Anny . Il se retrouve littéralement avec un trou à la place du
cœur, qu'il doit combler en faisant son deuil. A partir de là, sa
vie se verra peu à peu investie par des éléments surnaturels. Il
se fait rejeter de ses pairs qui le trouvent mauvais, ce qui ne
l'empêche pas de leur casser la gueule à l'aide de sa guitare. Il
décide alors de faire cavalier seul et de monter, sous le nom de
Doomboy, un one man band de Doom metal (sous-genre qui cultive un
goût prononcé pour le pesanteur des riffs, la distorsion et des
thématiques telles que la malédiction, la mort et autres
joyeusetés...). Avec son ami Sep, il a pris l'habitude d'aller
s'installer sur la plage voisine pour écouter les conversations de
marins avec une radio de fortune. Un jour, un écho surpuissant émane
de la radio. Ce son fascine D, qui y voit un moyen d'entrer en
contact avec son amour défunt. Dès lors, il n'aura de cesse de le
recréer à grands coups d'accords sur sa guitare. Ce qu'il ne sait pas,
c'est qu'involontairement, il est diffusé sur une fréquence de
radio locale, devenant un mystère, une sorte de légende pour les
jeunes des environs.
Voilà pour l'intrigue. Ce qui frappe
dans cette BD, c'est le sens du dosage particulièrement fin et
subtil que Sandoval y a apporté. Qu'il s'agisse des diverses
techniques de dessin, toutes parfaitement maîtrisées, et qui
servent à merveille la narration, ou de la narration elle même,
tout est fait pour nous entraîner dans un voyage intérieur. Le
style de Sandoval est difficile à décrire, on pourrait se hasarder
à faire un lien avec celui de Tim Burton, même si le Mexicain a
une identité bien à lui. Le mélange, aquarelles/dessins est au
cœur de son travail visuel. Pour ce qui est du storytelling, on voit
bien que le bonhomme n'en est pas à son coup d'essai. La narration
est très simple en apparence, linéaire, mais particulièrement
dense, mêlant habilement les tons et les genres pour créer un tout
unique et cohérent. Tantôt touchante, épique, romantique,
chevaleresque, réaliste, la geste de D montre encore une fois le
talent de Tony pour créer un univers unique et très personnel sans
être inaccessible. Sa justesse fait mouche à chaque fois. En
quelque cases, il parvient à nous plonger en plein cœur d'un
concert de métal, au milieu d'amours contrariées...Il traite de
thématiques particulièrement graves avec une aisance et un naturel
bluffants. Mais si il ne fallait en retenir qu'une, se serait l'Amour
avec un grand A. De la première à la dernière page, les relations
amoureuses et la passion, voire la dévotion imprègnent chaque
traits, sans jamais tomber dans la facilité.
On est bluffés par le talent de
l'auteur, qui réussit à saisir l'insaisissable, la fugacité et la
magie qui frappent quand on s'y attend le moins. On a droit à de purs
moments de flottement planants, où la poésie sonne comme une
évidence. La façon qu'a Sandoval de dessiner ses personnages
féminins y est pour beaucoup, on est saisi par la beauté et
l'importance qu'il leur accorde, tant au niveau du scénario que du
dessin, et je ne vous parle pas des scène de baisers qui sont
absolument splendides. Le livre regorge de petites idées
visuelles très efficaces, mises en valeur par un découpage au
cordeau, laissant la part belle à des doubles pages impressionnantes,
qui laissent éclater les visions et la magie qui sommeillent en D.
Planche extraite de Serpents d'Eau |
On ressort de cette lecture émerveillé,
touché par la profonde humanité qui se dégage de cette étrange
histoire, où tout n'est que magie et passion. Une vraie perle
qui offrira à son auteur de nombreux prix ainsi qu'une notoriété
amplement mérités. Une excellente entrée en matière à l'univers
de Tony Sandoval.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire