lundi 29 septembre 2014

Heavy Kingdom: La Tunique de Glace

Heavy Kingdom: La Tunique de Glace: Titre original: The Ice Shirt Auteur: William T. Vollmann Maison d'édition française: Le Cherche Midi Nombre de pages: 680 Une va...

La Tunique de Glace


Titre original: The Ice Shirt
Auteur: William T. Vollmann
Maison d'édition française: Le Cherche Midi
Date de parution: 1990 aux Etats Unis, 2012 en France
Nombre de pages: 680


Une vaste fresque décrivant la découverte de l'Amérique du Nord par les Vikings. Entraînées par des rêves leur présentant une vaste étendue gelée au delà de l'Atlantique, plusieurs générations poursuivront cette quête onirique qui se muera progressivement en cauchemar...


William Vollmann est un drôle de bonhomme. Né en 1959 à Los Angeles, il suit des études littéraires et artistiques avant d'enchaîner les petits boulots. Il économise pendant un long moment puis part pour l'Afghanistan en 1982, en pleine invasion soviétique. Il y partagera le quotidien des mujahidins. Il en fera un livre, publié en 1992 sous le titre An Afghanistan Picture Show, or, How I Saved the World. Cette méthode d'investigation approfondie sera caractéristique de son travail très immersif. A son retour, il tente de reprendre ses études à Berkeley mais n'y reste qu'un an et se met à bosser comme technicien informatique sans avoir la moindre expérience des ordinateurs. En parallèle, il se met à écrire en se cachant dans les bureaux et se nourrissant de ce que les distributeurs automatiques lui fournissent dans les bureaux (autant dire que c'est la grosse dèche). De cette sale période émergera son premier roman You Bright and Risen Angels, publié en 1987. Sa carrière est lancée et il écrit dès lors massivement pour la presse (Harper's Magazine, Playboy, Spin Magazine, Esquire, The New Yorker...). Son œuvre se partagera alors entre fiction et reportages avec une forte importance de ses voyages dans son matériaux de travail. Il est notamment fasciné par la question de la prostitution à qui il consacrera trois ouvrages. Il publiera l'énorme Livre de la Violence en 2004, une œuvre absolument dantesque s'étalant sur plus de 3000 pages et contenant toutes les obsessions et réflexions de l'homme sur ce vaste sujet. Mais ce qui nous occupe ici, c'est son plus grand travail, à ce jour inachevé: Seven Dreams: A Book of North American Landscapes. Un cycle de sept livres se déroulant à des moments clés (quoique bien souvent méconnus ou négligés) de l'Histoire américaine, dressant un portrait brutal d'un continent plein de violence et de sauvagerie. Pour se faire, il se crée un alter ego, William l'Aveugle (oui, comme Homère).Pour l'instant seuls quatre sont publiés: Fathers and Crows (1992), sur les missions jésuites au Canada, Les Fusils (1994), sur l'exploration du passage du Nord-Ouest,  Argall (2001), sur Jamestown et la légende de Pocahontas et bien sûr La Tunique de Glace.



La Tunique de Glace en est le premier tome. Publié en 1990 aux Etats-Unis et en 2012 en France (qui a dit retard de la mort qui tue?) ce livre est une véritable tuerie difficile à classer ou définir. Le terme de roman historique a beau lui être souvent attribué, il est réducteur et inexact. Le livre est à cheval entre plusieurs genres, plusieurs tons. Si il puise ses sources dans d'importantes recherches documentaires, la mythologie n'est pas écartée, elle est même au cœur de l'intrigue. Vollmann nous livre un univers où les dieux nordiques et Inuits existent et jouent un rôle prépondérant dans la trajectoires d'une succession de héros tantôt historiques ( Harald à la Belle Chevelure, Erik le Rouge et sa descendance...) tantôt légendaires. Il lie entre eux des tonnes de textes et de sagas, les Eddas étant une source importante. Et, comme à son habitude, s'est rendu sur les lieux de l'intrigue pour apporter un plus non négligeable. Le résumer est une gageure tant il est dense, riche et long (il comporte des annexes avec une chronologie et des glossaires, c'est dire la richesse du truc). C'est comme si Tolkien, Sam Peckinpah et Wagner s'étaient rencontrés dans une soirée libertine et avaient accouché d'un livre. L'intrigue y est dure et puise dans les origines légendaires des royaumes vikings avec la lignée des Ynglingar (des rois métamorphes se transformant en ours) jusqu'à Freydis Eyriksdottir (la fille d'Erik le Rouge, donc) avec de nombreux détours géographiques; qui nous font aller de la Norvège au Canada en passant par l'Islande; et temporels (du Moyen Age à nos jours) qui nous font découvrir les cultures indigènes du Groenland et de l'Amérique arctique. Il en émane un sentiment de primitivité, de brutalité primordiale. Les descriptions sont impressionnantes de puissance évocatrice, biblique même. On en prend plein la tronche et rien ne nous est épargné, le livre est viscéral à mort et nous laisse parfois pantelants devant une telle force de frappe. On peut difficilement lâcher cet ouvrage pourtant si étrange, plein de citations, de notes de bas de pages et d'autres éléments bibliographiques qui nous montrent à quel point son auteur s'est investi dans son écriture. On y voit des dessins, des cartes, des portraits de personnages, de la main de l'auteur, aux traits noirs comme le charbons, qui renforcent les sentiments suscités par la lecture des textes. Le titre vient de tout un imagerie de la tunique comme métaphore des capacités et ds pouvoirs que l'homme peut obtenir dans cet univers crépusculaire.




Vollmann réussit l'exploit de créer un texte qui a tout d'une œuvre fondatrice, d'un récit mythique alors que ces temps sont révolus depuis longtemps. Il questionne notre rapport à l'Histoire et à la réalité. En endossant la tunique de William l'Aveugle, il reprend l'héritage de multiples conteurs qui ont nourri notre imaginaire et notre vision du monde. Il se pose comme un chroniqueur dont l'aveuglement serait une force qui lui permet de s'aventurer là où personne ne va, car c'est bien là toute l'ambition du bonhomme, explorer des territoires dangereux et effrayants pour nous en ramener quelques fragments.

dimanche 21 septembre 2014

Heavy Kingdom: No Angel

Heavy Kingdom: No Angel: Titre original: No Angel Auteur: Jay Dobyns Date de publication: 2009 Maison d'édition française: 13 Note La maison d'édition 1...

vendredi 19 septembre 2014

No Angel

Titre original: No Angel
Auteur: Jay Dobyns
Date de publication: 2009
Maison d'édition française: 13 Note

La maison d'édition 13ème Note est un OVNI dans le paysage éditorial français. Crée en 2009 à l'initiative de Eric Vieljeux, elle s'est spécialisée dans la littérature américaine (bien qu'elle ait accueilli en son sein des auteurs venus d'autres pays comme Lao Yiwu à qui l'on doit La Chine d'en bas). Mais attention! Pas n'importe quel type de littérature américaine! On parle là de celle qui se cache, qui nous montre l'envers du décor, qui plonge profondément dans les racines culturelles du pays de l'Oncle Sam. Une littérature que l'on pourrait qualifier d'alternative composée de récits de vie souvent incroyables dans les sphères du crime, de la marginalité. Il s'agissait de la seule maison éditant les oeuvres comme celles des Fante (père et fils), du grand Charles Bukowski et de bien d'autre plumes acerbes et pourtant ignorées, malgré leur talent. Vous aurez noté l'emploi du passé...en effet, la belle entreprise pourrait bien cesser tout activité d'ici la fin de l'année, elle a d'ors et déjà stoppé son travail purement éditorial, se contentant du strict minimum, à savoir continuer à rendre son catalogue actuel accessible. La faute à des ventes décevantes (le top étant attribué à un inédit de Bukowski, ce qui était prévisible). Il faut croire que le fait de proposer un catalogue alternatif et innovant n'est pas vraiment un bon choix marketting...mais il ne tient qu'à nous de changer cela!! En effet, indigné par cet état de fait, le chroniqueur YouTube Le Rouquin Bouquine a pris les devants en lançant une initiative toute bête mais qui pourrait s'avérer diablement efficace, pour peu que l'on joue le jeu: acheter un livre de 13ème Note cet été! Quelle meilleure saison pour plonger dans des univers rock n' roll et décalés? Donc, dans le cadre de cette opération, voici ma modeste contribution...


No Angel est un récit autobiographique écrit par Jay Dobyns (avec l'assistance de Nils Johnson-Shelton) et publié en France en 2010. L'édition originale porte le même titre et est sortie un an plus tôt aux Etats-Unis. Il s'agit du récit, à la première personne, d'une mission d'infiltration menée par l'auteur, agent de l'ATF, au sein du chapitre Arizonien du plus célèbre club de motards hors-la-loi, j'ai nommé les Hells Angels. Cette mission s'est étalée de 2001 à 2003 et a nécessité énormément de moyens pour un résultat... mitigé, à tout le moins... Cette opération (baptisée Black Biscuit) et le travail de Dobyns, ont déjà fait l'objet de deux autres ouvrages Angels of Death de Julian Sher et William Marsden; et Running with the Devil de Kerrie Droban, autant le dire tout de suite, il y a pas mal à raconter. Je ne vais pas entrer dans les détails afin de ne spoiler personne, mais on s'embarque dans un voyage au bout de l'Enfer. Le style de Dobyns est particulièrement viscéral et cru, on se croirait dans une vieille fiction hardboiled des 50's. Il est donc des plus approprié à ce milieu si particulier. On y croise un grand nombre de personnages, tous plus dingues les uns que les autres et qui sont connus des amateurs de bikers pour certains... Les descriptions sont ultra efficaces et servent à planter un décor digne d'un film noir avec toutes les connexions entre organisations, l'ambiance lourde qui précède certains actes irrémédiable...bref, on s'immerge à vitesse grand V et les 500 pages filent à toute allure, comme notre héros sur l'asphalte. Le livre est ultra dense et rempli de détails, étant basé sur des rapports circonstanciés (un énorme boulot qui explique la présence du journaliste aux côtés de l'ex-agent fédéral) et pourtant, on a l'impression de lire un roman. Cette sensation est renforcée par le surréalisme effarant de certaines situations (la famille d'accrocs à la méthamphétamine prête à vendre ses enfants, le motard qui a laissé la gangrène emporter sa jambe pour continuer à prendre part à la vie de son club...).Le tout porté par de nombreux morceaux de musique qui sont cités tels quels et qui parfois sont en totale concordance avec les événements (vous pourrez vous faire votre petite playlist de lecture). Bref, un univers qui provoque des frissons et fascine autant qu'il révulse, il est ici question d'une Amérique déshéritée et complètement poussée dans ses retranchements les plus extrêmes (pauvreté, racisme, misogynie...) . Dobyns ne fait, bien sûr, preuve d'aucune complaisance, l'image romantique du rebelle à moto est complètement évacuée dès les premières pages, même si le livre est moins manichéen qu'on pourrait le croire...D'autant qu'il n'est parfois pas tendre avec sa hiérarchie, qui l'a plus ou moins laissé tomber après les procès...Le livre est enrichi d'un glossaire, d'une carte de l'Arizona et de nombreuses notes de bas de page, qui sont aussi utiles que discrètes, pour permettre à tout un chacun de bien saisir les enjeux et la nature du récit qui nous est livré.
Jay Dobyns au travail
Il s'agit de ma première expérience avec cette maison d'édition, elle a tenu toutes ses promesses et bien plus encore...M'intéressant beaucoup au monde des bikers depuis, grâce à la série Sons of Anarchy notamment (qui pourrait être un bon moyen d'approfondir la chose...). Cet ouvrage m'a fait une impression très forte et fait partie de mes expériences de lecture les plus marquantes à ce jour.

La chaîne YouTube du Rouquin: https://www.youtube.com/channel/UC1x30MLyRXrCpwVYPb-5qtA

Le site de 13ème Note: http://www.13enote.com/index.php