samedi 31 octobre 2015

Les Cauchemars de Lovecraft





Auteur: Horacio Lalia
Maison d'édition: Glénat
Date de publication: 13 novembre 2014
Nombre de pages: 248

Une compilation de récits d'horreur du maître de Providence adaptés au format BD.


 
Horacio Lalia est un dessinateur argentin. Il est surtout connu pour ces adaptations de classiques littéraire d'horreur et fantastique. En vrac: Le chat noir de Poe, Les mystère de Londres de Paul Féval, et Lord Jim du grand Joseph Conrad (le gars qui a inspiré Apocalypse Now au travers de son ouvrage Au cœur des Ténèbres). Concernant Lovecraft, il publiera trois recueil d'histoire de 1998 à 2003: Le Grimoire maudit, Le Manuscrit perdu et La Couleur tombée du Ciel. Ils sont regroupé dans le bon gros omnibus qui nous intéresse aujourd'hui.




Coucou
Présenter Howard Philips Lovecraft me paraît nécessaire à ce stade. Né en 1890 à Providence, Rhode Island et mort en 1937 dans la même ville, il sera d'après Stephen King, un de ces plus fervents admirateurs, ''le plus grand artisan du récit classique d'horreur du XXeme siècle''. Homme étrange, pétri de contradictions (peur de l'étranger mais fascination pour l'exotisme, entre autre bizarreries intellectuelles) il fera de la littérature un vecteur d'une imagination malade, morbide et d'une inventivité spectaculaire. En 1925, il écrit le premier récit fondateur d'un mythe moderne, L'Appel de Cthulhu. A grands coup de sectes dégénérées, de scientifiques médusés et de créatures pleines de tentacules et de livres emplis de secrets innommables, il invente un bestiaire emblématique en un seul coup. Le début d'une série de récits tous plus incroyables et effrayants les uns que les autres.( L'Abomination de Dunwich, Le Cauchemar d'Innsmouth...) son œuvre ne se résume pas à ça puisqu'il fut plume-louée pour de nombreux auteurs, poète et journaliste.  Poète de la folie et de la terreur cosmique, raciste et homme du monde tout à la fois, il meurt dans la pauvreté, le dénuement et la solitude. Si il ne connaît pas de succès public de son vivant, il accédera à une immense notoriété post-mortem. Son influence sur le monde de l'horreur, de la SF, du fantastique et, disons-le simplement, de la culture populaire est impossible à mesurer (Del Toro rêve d'adapter ses Montagnes Hallucinées sur grand écran, on croise les doigts!!). Du cinéma à la littérature en passant par le jeu vidéo, on ne compte plus les créateurs qui ont fat référence au reclus de Providence, nourrissant leur travail des visions horriblement dantesques de Lovecraft...


C'est donc sur une version ''BD'' que nous nous penchons aujourd'hui. Avec 18 récits au compteur, le sommaire de cet épais tome noir est assez conséquent. On a droit aux bons gros classiques des familles (L'Appel, L'Abomination, La Couleur tombée du Ciel,Je Suis d'Ailleurs) et d'autres moins connus (Les Rats dans les murs...) Un sélection éclectique qui permet d'avoir un bel aperçu de l'univers Lovecraftien. Ayant découvert le bonhomme au travers de ces adaptations en BD, je les conseille fortement. Le style visuel se prête bien aux intrigues. Noir et blanc incisif, trait précis et tendance baroque donne de la profondeur au monde qui nous est lancé en travers de la figure. Une superbe introduction aux travaux d'HPL dans une édition luxueuse (le petit sélecteur de pages noir fait son effet et est bien pratique). Si vous voulez prolonger l'odyssée dessinée des terres méphitiques des Grands Anciens, vous pouvez aussi jeter un œil au splendide volume d'Alberto Breccia, au style très différent de compatriote. Un must pour les fans de Cthulhu et ses amis, et une bonne façon de rentrer dans la secte des adorateurs... Une saine lecture pour ce jour particulier...

dimanche 25 octobre 2015

Conversations avec Martin Scorsese

Auteur: Richard Schickel, Martin Scorsese
Maison d'édition française: Sonatine
Date de publication: 2010 aux USA, 2011 en France
Nombre de pages: 602

Une longue série d'entretiens avec un des plus grands réalisateurs américains où il sera question de cinéma, bien sur, mais aussi de bien d'autres choses...

Richard Schikel est un écrivain et journaliste américain né en 1933 dans le Wisconsin. Il a mis sa plume au service de grands titres tels que Life ou Time. Il est surtout un auteur prolifique, avec plus d'une trentaine de livres publiés depuis 1960. Spécialisé dans les biographies dont de nombreuses stars (Brando Eastwood) il a aussi écrit sur la peinture (The World Of Goya) et le tennis (The World of Tennis, ouais, il se foule pas pour les titres...). En 2010, il publie le livre qui nous intéresse...



Martin Scorsese est un des plus grands cinéastes au monde, n'importe quel cinéphile vous le dira. Né en 1942 à New York, il tournera plus d'une vingtaine de films (moyens, courts longs, docuentaires, live...) Son influence est inquantifiable et ses états de services impressionnants (Raging Bull, Les Affranchis, Taxi Driver...). Bref, un tel homme méritait que l'on se penche sur sa carrière et sa vie trépidantes. Cela donna lieu à un certains nombre d'ouvrages et documentaires (dont le très bon Scorcese On Scorcese). Aujourd'hui, il a droit à une superbe exposition à la Cinémathèque de Paris et une rétrospective sur Arte, toutes deux amplement méritées. On ne vous le présente donc plus... Mais ce Conversations...est probablement l'ouvrage le plus définitif que l'on puisse imaginer...

Fruit d'années de rencontres et de conversations, d'un travail d'archivage colossal (les nombreuses photos en témoignent), il nous donne avant tout l'impression d'une longue soirée passées entre deux vieux amis. 600 pages où l'on a droit à un nombre conséquent d'anecdotes inédites mais pas que. Les genèses de tournages et de projets homériques (le passage douloureux sur Gangs Of New York) mais aussi et surtout, un superbe portrait. Scorsese est aussi intéressant que ses films, et ce livre le montre avec éclat. On découvre son parcours surprenant, de son enfance dans les quartiers populaires de la Grande Pomme, en passant par ses errances spirituelles (il a failli devenir prêtre catholique...) et bien sûr le rock n' roll...On aborde les multiples facettes d'un créateur qui ne se limite pas qu'aux films de gangsters (bien qu'ils soient géniaux). On découvre ses multiples passions et centres d'intérêt (dont l'Histoire), qu'il est un lecteur vorace (il adore Marguerite Yourcenar, en particulier L'Oeuvre au Noir). Bref, père Marty nous raconte ses histoires, et on est absorbés par sa vision acérée et lucide du monde qui l'entoure, avides de revoir sa filmographie complètement folle (dont ses films ''spirituels tels que Kundun, La Dernière Tentation du Christ, ou ses documentaires et live consacrés à la musique populaire...). On embrasse toute sa vie et sa filmographie jusqu'en 2010. 

Sur le tournage de Kundun (1997)
 
Bref, c'est un beau moment de passion et de vie que nous offre Shickel. Le tout emballé dans une très belle édition française, au design sobre et au papier agréable. Si vous êtes admirateur du travail de Scorsese ou que vous soyez simplement cinéphile ou curieux, c'est une lecture fascinante et qui ne laisse jamais la lassitude s'installer. 600 pages d'or en barre... 
Avec Mick jagger sur le plateau de Shine A Light, live des Rolling Stone (2008)

 

jeudi 22 octobre 2015

Neuromancien

Auteur: William Gibson
Maison d'édition française: La Découverte (puis J'ai Lu en poche)
Date de publication: 1984 aux USA, 1985 en France
Nombre de pages: 319 en poche

Dans un futur proche, rempli de cyborgs et d'hologrammes... Case est un ancien ''cowboy'', un hacker d'élite. A la suite d'une arnaque qui a mal tourné, ses clients lui ont injecté une neurotoxine brisant son système nerveux, l'empêchant de se connecter à la matrice pour continuer ses forfaits. Mais, un jour, un contrat lui est proposé, et va l'amener bien plus loin qu'il ne l'aurait cru...

Joie de vivre
William Gibson est un écrivain de science-fiction américain né en 1948, en Caroline-du-Sud. Pendant son enfance, il devient un grand lecteur, du fait de sa solitude et de son inadaptation sociale, il s'efforce de se construire une ''personnalité lovecraftienne'' (un homme de goût, donc) Sa vie fut dure, il perdit successivement son père puis sa mère et se mit à galérer en devenant brocanteur. Puis, il tombe les livres de la Beat Generation (les auteurs qui, tels Jack Kerouac, ont bati la contre-culture dans les années 50). Ensuite, se réfugie au Canada pour échapper à une affectation sur le front vietnamien en 1972. Il voyage beaucoup, se marie et fait une découverte capitale à travers la musique punk. Ces deux éléments vont constituer les bases de son univers pour les décennies à venir. Il décide de devenir écrivain, commence par publier des nouvelles et, influencer par l'adaptation ciné de Blade Runner, il se lance dans son premier roman en 1983, le décisif Neuromancien.



Voilà pour l'homme, maintenant l'oeuvre...Neuromancien (acronyme de Neuro, Romancier et Necromancien) est tout simplement le livre manifeste du mouvement Cyberpunk. Mais c'est quoi le cyberpunk? Et bien, c'est un sous-genre de science-fiction qui met l'accent sur certains points, nombreux mais précis: IA, cybernétique (bah oui, c'est dans le nom...), transhumanisme, critique du capitalisme au travers des mégacorporations, réalité virtuelle...Bref, un bon gros morceau. Le nom est évoqué par la critique (Gardner R. Dozois , rédac' chef du Asimov Science-Fiction Magazine) au début des années 80 pour définir le nouveau genre que Gibson vient de lancer avec son chef d'oeuvre initial. Car oui, il s'agit d'un chef-d'oeuvre, d'un travail bref, mais séminal qui va chambouler un certain nombre de conventions. Car si on peut faire nos pinailleurs et faire remonter le cyberpunk au Frankenstein de Mary Shelley (l'être humain artificiel, plutôt futuriste, non?), c'est là que les choses sérieuses commencent...

Environnement cyberpunk classique

Mais revenons à nos moutons (électriques). On suit donc les errances de Case, hacker déchu qui semble laisser libre cours à une auto destruction pernicieuse (dans cyberpunk, y'a punk, n'oubliez pas ça...) dans les bas fonds de Chiba, au cœur d'une vaste mégapole japonaise. Les premières lignes sont d'ailleurs splendides et posent merveilleusement bien le décor: ''Le ciel au-dessus du port était couleur télé calée sur un émetteur hors service...''. Il louvoie dans une environnement ultra-criminogène (il y a un gros côté roman noir dans le roman et le genre auquel il appartient). Il fait la rencontre de la mystérieuse et dangereuse Molly, au service du tout aussi mystérieux Armitage, qui va lui proposer une offre qu'il ne saurait refuser...la récupération de ses capacités neuronales indispensables au piratage mais il devra s'acquitter d'une tâche herculéenne en échange, qui le mènera aux quatre coin du monde rée et virtuel et même au delà, le tout accompagné de Muetdhiver, une IA inquiétante...Ne spolions pas plus l'intrigue pleine d'ambiguïté et de retournements de situations. On visitera la Conurb, vaste métropole reliant les grandes villes américaines de la Côte Est, le Japon et certains lieux en orbite...cet univers est surprenant, riche, plein de petits détails dévoilés au rythme de multiples descriptions d'objets, d'armes, de mouvements sociaux, du cyberespace...

Vue d'artiste d'un Neuromancien en pleine action
Parce que oui, le mot cyberespace est né dans ces pages et Gibson a anticipé la création d'Internet (ouais, carrément). La contre-culture futuriste est très présente, souvent de manière extrême (terrorisme, modifications corporelles hallucinantes, et les rastas de l'espace!!) et on retrouve tout l'attirail des thématiques du genre, qui font partie des fondamentaux de la SF actuelle...Le style de Gibson est univers, vivant parfois psychédélique (influence de Philip K. Dick) et déroutant dans certains passages, mais le dépaysement induit est étonnement plaisant... On est happé dans un tourbillon, un concentré d'inventivité formelle très cinématographique, qui dévoile un fond fascinant, une tambouille qui fera date et continuera a influencer les créateurs encore aujourd'hui...

L'ombre de Phlip K Dick plane...
Car oui, l'influence de ce livre est tellement énorme qu'on devra y consacrer un ouvrage entier, voici donc une liste pèle mêle: Matrix, Akira, Deus Ex, Ghost In The Shell, Dark City, Equilibrium, le jeu de rôle Cyberpunk et tout le reste...bref, étant geek, on a les larmes aux yeux et la reconnaissance au cœur en lisant ce livre splendide. Son héros solitaire et manipulé, ses questionnements existentiels (réalité/virtuel, immortalité...) et sa créativité sans limites laissent pantois du début à la fin...Un classique aussi bref qu'immense, une pierre angulaire pleine d'étranges circuits imprimés.

Deus Ex Human Revolution, jeu vidéo sous influence gibsonienne
A noter, il s'agit du premier tome de la Trilogie de la Conurb (Sprawl Trilogy en anglais) dont Comte Zéro et Mona Lisa s'éclate sont les suites indirectes et méconnues...