jeudi 22 octobre 2015

Neuromancien

Auteur: William Gibson
Maison d'édition française: La Découverte (puis J'ai Lu en poche)
Date de publication: 1984 aux USA, 1985 en France
Nombre de pages: 319 en poche

Dans un futur proche, rempli de cyborgs et d'hologrammes... Case est un ancien ''cowboy'', un hacker d'élite. A la suite d'une arnaque qui a mal tourné, ses clients lui ont injecté une neurotoxine brisant son système nerveux, l'empêchant de se connecter à la matrice pour continuer ses forfaits. Mais, un jour, un contrat lui est proposé, et va l'amener bien plus loin qu'il ne l'aurait cru...

Joie de vivre
William Gibson est un écrivain de science-fiction américain né en 1948, en Caroline-du-Sud. Pendant son enfance, il devient un grand lecteur, du fait de sa solitude et de son inadaptation sociale, il s'efforce de se construire une ''personnalité lovecraftienne'' (un homme de goût, donc) Sa vie fut dure, il perdit successivement son père puis sa mère et se mit à galérer en devenant brocanteur. Puis, il tombe les livres de la Beat Generation (les auteurs qui, tels Jack Kerouac, ont bati la contre-culture dans les années 50). Ensuite, se réfugie au Canada pour échapper à une affectation sur le front vietnamien en 1972. Il voyage beaucoup, se marie et fait une découverte capitale à travers la musique punk. Ces deux éléments vont constituer les bases de son univers pour les décennies à venir. Il décide de devenir écrivain, commence par publier des nouvelles et, influencer par l'adaptation ciné de Blade Runner, il se lance dans son premier roman en 1983, le décisif Neuromancien.



Voilà pour l'homme, maintenant l'oeuvre...Neuromancien (acronyme de Neuro, Romancier et Necromancien) est tout simplement le livre manifeste du mouvement Cyberpunk. Mais c'est quoi le cyberpunk? Et bien, c'est un sous-genre de science-fiction qui met l'accent sur certains points, nombreux mais précis: IA, cybernétique (bah oui, c'est dans le nom...), transhumanisme, critique du capitalisme au travers des mégacorporations, réalité virtuelle...Bref, un bon gros morceau. Le nom est évoqué par la critique (Gardner R. Dozois , rédac' chef du Asimov Science-Fiction Magazine) au début des années 80 pour définir le nouveau genre que Gibson vient de lancer avec son chef d'oeuvre initial. Car oui, il s'agit d'un chef-d'oeuvre, d'un travail bref, mais séminal qui va chambouler un certain nombre de conventions. Car si on peut faire nos pinailleurs et faire remonter le cyberpunk au Frankenstein de Mary Shelley (l'être humain artificiel, plutôt futuriste, non?), c'est là que les choses sérieuses commencent...

Environnement cyberpunk classique

Mais revenons à nos moutons (électriques). On suit donc les errances de Case, hacker déchu qui semble laisser libre cours à une auto destruction pernicieuse (dans cyberpunk, y'a punk, n'oubliez pas ça...) dans les bas fonds de Chiba, au cœur d'une vaste mégapole japonaise. Les premières lignes sont d'ailleurs splendides et posent merveilleusement bien le décor: ''Le ciel au-dessus du port était couleur télé calée sur un émetteur hors service...''. Il louvoie dans une environnement ultra-criminogène (il y a un gros côté roman noir dans le roman et le genre auquel il appartient). Il fait la rencontre de la mystérieuse et dangereuse Molly, au service du tout aussi mystérieux Armitage, qui va lui proposer une offre qu'il ne saurait refuser...la récupération de ses capacités neuronales indispensables au piratage mais il devra s'acquitter d'une tâche herculéenne en échange, qui le mènera aux quatre coin du monde rée et virtuel et même au delà, le tout accompagné de Muetdhiver, une IA inquiétante...Ne spolions pas plus l'intrigue pleine d'ambiguïté et de retournements de situations. On visitera la Conurb, vaste métropole reliant les grandes villes américaines de la Côte Est, le Japon et certains lieux en orbite...cet univers est surprenant, riche, plein de petits détails dévoilés au rythme de multiples descriptions d'objets, d'armes, de mouvements sociaux, du cyberespace...

Vue d'artiste d'un Neuromancien en pleine action
Parce que oui, le mot cyberespace est né dans ces pages et Gibson a anticipé la création d'Internet (ouais, carrément). La contre-culture futuriste est très présente, souvent de manière extrême (terrorisme, modifications corporelles hallucinantes, et les rastas de l'espace!!) et on retrouve tout l'attirail des thématiques du genre, qui font partie des fondamentaux de la SF actuelle...Le style de Gibson est univers, vivant parfois psychédélique (influence de Philip K. Dick) et déroutant dans certains passages, mais le dépaysement induit est étonnement plaisant... On est happé dans un tourbillon, un concentré d'inventivité formelle très cinématographique, qui dévoile un fond fascinant, une tambouille qui fera date et continuera a influencer les créateurs encore aujourd'hui...

L'ombre de Phlip K Dick plane...
Car oui, l'influence de ce livre est tellement énorme qu'on devra y consacrer un ouvrage entier, voici donc une liste pèle mêle: Matrix, Akira, Deus Ex, Ghost In The Shell, Dark City, Equilibrium, le jeu de rôle Cyberpunk et tout le reste...bref, étant geek, on a les larmes aux yeux et la reconnaissance au cœur en lisant ce livre splendide. Son héros solitaire et manipulé, ses questionnements existentiels (réalité/virtuel, immortalité...) et sa créativité sans limites laissent pantois du début à la fin...Un classique aussi bref qu'immense, une pierre angulaire pleine d'étranges circuits imprimés.

Deus Ex Human Revolution, jeu vidéo sous influence gibsonienne
A noter, il s'agit du premier tome de la Trilogie de la Conurb (Sprawl Trilogy en anglais) dont Comte Zéro et Mona Lisa s'éclate sont les suites indirectes et méconnues...

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