dimanche 19 octobre 2014

American Desperado


Titre original: American Desperado
Auteurs: Evan Wright, Jon Roberts
Maison d'édition française: 13eme note              
Date de publication: 2011 aux USA, 2013 en France
Nombre de pages: 698


La vie du légendaire Cocaine Cowboy Jon Roberts telle qu'il l'a racontée en interview au tout aussi légendaire reporter Evan Wright.


Evan Wright est un journaliste américain né en 1966. Né de deux parents avocats, il n'en connaît pas moins un adolescence tumultueuse. Il se fera virer du prestigieux lycée où il étudiait pour consommation et vente de cannabis. Suite à cet incident, son père le place dans une maison de correction baptisée The Seed. Il y vivra des heures sombres, les méthodes ''éducatives'' du lieu étant particulièrement brutales (privation de sommeil, menaces de violences physiques et boxe). Après des études universitaires qui le voient sortir avec un diplôme en Histoire Médiévale, il devient chroniqueur pour le magazine de ''charme'' Hustler en 1995. Il en tirera une réflexion intéressante sur la pornographie et la misogynie. A partir de 1996, il commence à s'intéresser aux marginaux de la société américaine: néo-nazis, activistes environnementalistes, le groupe Mötley Crüe, porn stars... En 2009, il les rassemblera dans un recueil baptisé Hella Nation (malheureusement jamais publié en France). Il participe aux premiers mois de l'invasion américaine en Irak en 2002-2003 au sein du 1st Reconnaissance Battalion du Corps des Marines. Il en tirera Generation Kill, son ouvrage le plus connu. Il est à noter que ce dernier sera adapté en mini série par David Simon pour HBO,  sera diffusée en 2008 et obtint un fort succès critique.L'immersion, voire l'infiltration est au coeur de son travail, ce qui ne l'empèche pas d'avoir du recul sur ceux qu'il côtoie. Ce qui nous emmène à notre sujet, les Cocain Cowboys.  Il sera engagé par la Paramount pour écrire le script d'un film sur le sujet alors qu'il travaillait sur le livre qui nous occupe. Peter Berg est pressenti pour le réaliser tandis que Mark Walhberg le produit et souhaiterait figurer au casting. On croise les doigts...


Bon attaquons le vif du sujet! Qui sont donc ces fameux Cocaine Cowboys? Il s'agit d'une équipe de trafiquants rassemblée autour de Jon Roberts qui est connue pour avoir fait venir pour plus de deux millions de dollars de poudre blanche aux USA dans les années 80. Ils sont devenus les représentants américains du cartel de Medellin qui employait Pablo Escobar. Seulement voilà, le livre est la biographie de Jon Roberts et sa vie de gangster est loin de se limiter à cet ''épisode'' qui ne constitue que la fin d'un long et sanglant parcours. Né John (avec un H cette fois) Riccobono en 1948 à New York, il grandit au sein d'une famille de mafieux. Son père est lié à Carlo Gambino, un des plus grands affranchis de New York. Il assiste à son premier meurtre à l'âge de sept ans et s'enfonce rapidement dans un cycle infernal de violence. Très vite, on lui propose de se refaire une virginité en s'engageant dans l'armée. Il servira au Vietnam pendant quatre ans au sein de la mythique 101st Airborne. Il y perpétrera des exactions assez démentielles sur les soldats ennemis. A son retour, il profite son casier judiciaire désormais vierge pour devenir le tenancier de nombre de boîtes de nuit contrôlées par la Mafia de la Grosse Pomme. Il y rencontrera ainsi quelques figures importantes: Richard Pryor, Jimi Hendrix, O.J Simpson, James Caan... A la suite d'un incident, il doit fuir la côte Est et se réfugie à Miami, où il trouvera sa vocation...Il sera arrêté en 1986 et deviendra informateur afin d'alléger sa peine. Entre temps, il a eu un fils, à qui il dédie ce livre pour éviter qu'il n'emprunte le même chemin que lui.

N'y allons pas par quatre chemins, ce livre est une bombe!! Le sujet peut sembler incroyable au vu du bref résumé que j'en ai fait mais on parle d'un pavé de près de 700 pages!! Il comprend soixante dix sept chapitres et chacun d'entre eux constitue un somme d'anecdotes complètement délirante. Jon et son garde du corps catcheur qui fait rebondir les gens en les jetant sur un trottoir, Jon qui devient pote avec le dictateur du Nicaragua fan de très jeunes filles, Jon qui se lance dans les courses hippiques, Jon applaudi pat la foule dans un stade à un match de baseball, j'en passe et des meilleures... On s'en prend plein la tronche du début à la fin.



Pour pouvoir écrire ce livre dans de bonnes conditions, Wright a vécu un temps chez l'intéressé, ce qui donne lieu à des passages savoureux nous dévoilant sa vie quotidienne tarée (bonjour, j'ai des armes et du fric enterrés dans le jardin du voisin ''au cas où'', j'ai un chien qui mange littéralement des chats...). Quelle que soit la partie de sa vie qui est traitée, on est estomaqué de voir que la réalité est bien loin au delà de la fiction. Les excès en tous genres sont légion (sexe, violences et bien sûr, drogues). On a droit à des phrases de la mort du style: ''comme mon père, j'ai toujours crû en la supériorité du mal sur le bien'' ambiance. Le bonhomme est un psychopathe, un vrai, qui ne fait aucun cas de la vie humaine et qui en plus considère cela comme un outil de réussite. Car nous n'avons pas seulement affaire à une série d'anecdotes hallucinantes, non, c'est une réflexion sur l'envers du rêve américain qui nous est donnée...Certains parlent de Moby Dick du crime, et il y a clairement de ça dans cet almanach de la brutalité. La forme adoptée est assez vivante, chapitres courts en forme d'interviews coupés de passages contemporain racontés en prose. A noter que si Roberts est le principal intervenant, d'autres personnes donnent de la voix (associés, policiers, famille, amis...). Pour l'édition française, les nombreuse notes de bas de page ont été intégrées directement dans le texte pour faciliter la lisibilité et ne pas casser l'immersion, un très bonne idée, tant on est pris dans le fil de ce récit complètement bigger than life. Car on est en présence d'une star du crime, de quelqu'un qui a un train de vie luxueux et qui ne s'en cache pas. Il est à l'image du pays qui a accueilli sa famille venue de Sicile: il fait rêver, on le trouve sympathique au premier abord, mais dès qu'on se met à fouiller un peu, on trouve pas mal de sang et de cadavres... Le portrait que l'on fait de Roberts est intéressant, il est contrasté, là où certains l'auraient présenté comme étant le Diable en personne, Wright le laisse parler calmement (ça n'a pas toujours dû être facile) et nous montre un pur produit de la société qui l'a vu naître. Car oui, on ne le répète pas assez, mais toute société a les criminels qu'elle mérite...Ainsi, les hommes politiques et les forces de l'ordre impliqués en prennent pour leur grade (ce qui est assez comique par moments, il est vrai).

Evan Wright a pris son boulot très à coeur...
En conclusion, il s'agit là probablement d'un des plus grands livres jamais écrits sur le crime, sa nature, comment il naît et évolue. Une lecture divertissante et édifiante sans être moralisatrice, à la fois repoussante et parfois drôle. Tout en contraste et attaché à une vision du journalisme que ne renierait pas Hunter S Thompson, Wright nous offre un trip saisissant au cœur du crime organisé. Alors ruez vous dessus si vous avez le cœur bien accroché (si ça vous intéresse, un documentaire sobrement baptisé Cocaine Cowboys est disponible sur Internet...)!!




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